Autopsie d’un génocide planifié / Connivences françaises au Rwanda

Faute d’être soumise à une autorité démocratique, la politique française en Afrique — et en particulier au Rwanda — met en scène une pluralité d’acteurs : politiques, militaires, affairistes, agissant pour leurs propres intérêts en dehors de tout contrôle.

Pendant trois ans (1990-1993), l’armée française a tenu à bout de bras les troupes d’un régime rwandais — ou plutôt d’un clan — s’enfonçant dans le génocide, le racisme et la corruption. Engagée dans le combat contre le Front patriotique rwandais (FPR), l’« ennemi » diabolisé en « Khmer noir », la France a massivement équipé les Forces armées rwandaises (FAR) ; elle les a instruites dans des camps où se pratiquaient la torture et le massacre de civils (à Bigogwe par exemple) ; elle a encouragé une stratégie « antisubversive » qui passait par la création de milices enivrées de haine, et enivrées tout court. Après la publication, en février 1993, du rapport d’une commission internationale dénonçant — déjà — des « actes de génocide », le mot d’ordre, venu directement de l’Elysée, n’a pas changé : « Casser les reins du FPR. »

Tout un pan du dispositif franco-africain défini à La Baule sombrera alors dans le jusqu’au-boutisme : sabotage des accords d’Arusha ; (possible) implication dans l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana (près d’accepter l’application de ces accords), puis accueil dans les locaux de l’ambassade de France à Kigali d’une sorte d’assemblée générale extraordinaire du « Hutu power », des partisans de l’épuration ethnique et du massacre des Tutsis.

Après la mort du président, une partie des concepteurs de la « solution finale du problème tutsi » sont à Paris, tandis que se constitue, sous l’aile de la France, un « gouvernement intérimaire » qui continuera d’encourager les appels au meurtre de Radio libre des Mille Collines (lire article page 8). Au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), la France fera cause commune avec ce « gouvernement » et s’opposera, cinq semaines durant, à la reconnaissance du génocide. D’avril à juin 1994, pendant que les massacres se poursuivaient et qu’étaient tués à la machette environ 500 000 Tutsis, une fraction de l’armée française n’aura qu’une obsession : continuer de ravitailler et d’assister les FAR — sous la (…)

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